Interview avec Marc Hansen dans le Paperjam

"La transition numérique du pays est l'objectif ultime du gouvernement"

Interview: Paperjam

Paperjam: Comment expliquez-vous l'attrait continu qu'exerce le secteur public auprès des jeunes Luxembourgeois? Est-ce seulement une question de rémunération ou cela traduit-il une frilosité à l'égard du secteur privé?

Marc Hansen: L'État se veut un employeur moderne qui développe les compétences et garantit l'employabilité de ses agents. Le système de la gestion par objectifs vise à améliorer la performance de la Fonction publique et permet une meilleure planification des ressources nécessaires afin d'implémenter les projets en cours et à venir. Les agents sont régulièrement convoqués à des entretiens individuels avec leurs supérieurs hiérarchiques afin d'effectuer un bilan sur les compétences, de discuter des possibilités de développement professionnel et de la motivation liée à l'exercice de la fonction. Ce nouveau dispositif est une des conséquences de la demande des nouvelles générations Y et Z, qui sont demandeuses d'un changement dans la culture organisationnelle qui se traduit notamment par des possibilités de télétravail, de flexibilisation du temps de travail, d'un feedback régulier quant aux résultats livrés et d'une autonomie accrue quant aux moyens afin d'arriver aux résultats fixés par l'administration.

Par ailleurs, le système du compte épargne-temps mis en place grâce à la loi du 1er août 2018 portant fixation des conditions et modalités d'un compte épargne-temps dans la Fonction publique permet aux agents de bénéficier d'une meilleure compatibilité entre vie professionnelle et vie privée, et permet aussi aux administrations de planifier de manière optimale les heures de fonctionnement.

N'oublions pas que les démarches d'innovation, de digitalisation et la diversité des métiers dans le secteur public présentée dans les établissements scolaires et lors des foires sont des éléments qui ont augmenté l'attractivité d'une Fonction publique devenue plus moderne et dynamique.

Le facteur rémunération reste bien sûr une motivation supplémentaire afin d'attirer les bons profils dans la Fonction publique luxembourgeoise.

Paperjam: Jusqu'où faut-il pousser la digitalisation des services de l'État et des organismes publics?

Marc Hansen: Réussir la transition numérique du pays est l'objectif ultime du gouvernement. Et de faire de cette transition une chance pour tous en mettant les nouvelles technologies au service du citoyen. Ces dernières années, le gouvernement a lancé plusieurs initiatives qui vont dans ce sens, et les résultats ne se sont pas fait attendre.

En juin 2019, la Commission européenne a publié la 6e édition de son rapport annuel relatif à l'économie et à la société numériques, le Digital Economy and Society Index (DESI).

Alors que le Luxembourg se situe dans le peloton de tête pour ce qui est de la connectivité, du capital humain et de l'utilisation d'Internet, il n'arrive qu'en 17e position lorsqu'il s'agit de l'intégration des technologies numériques par les services publics. Même s'il progresse, il se trouve toujours en dessous de la moyenne européenne. Le résultat est identique dans le IMD World Digital Competitiveness Ranking publié en 2019: le Luxembourg est 18e en ce qui concerne le eGovernment.

C'est une évidence: la marge de progression potentielle est énorme pour un pays qui prétend figurer parmi les pays les mieux outillés pour l'ère numérique. C'est à cette fin que le ministère de la Digitalisation a été créé. Chapeauté par le Premier ministre et moi-même, il a pour vocation d'accompagner et de promouvoir la digitalisation, de faire avancer le développement technologique et de mettre en place de nouvelles stratégies permettant au pays de se développer et de se positionner sur la scène internationale. Notre rôle est d'accompagner le changement induit par l'évolution technologique. Cela commence tout naturellement au niveau de l'État, avec la numérisation des procédures administratives qui concernent tant les citoyens que les entreprises. Le gouvernement nourrit de grandes ambitions dans ce domaine.

Voilà pourquoi le ministère de la Digitalisation, assisté dans ce contexte par le Centre des technologies de l'information de l'État (CTIE), le levier technologique du ministère, accorde un soin particulier à la numérisation et à l'accessibilité des procédures administratives. Le but recherché est de proposer des services gouvernementaux en ligne efficaces sur des interfaces utilisateurs conviviales et intuitives.

Sur la plate-forme informationnelle Guichet.lu et son alter ego sécurisé, MyGuichet.lu, le CTIE s'appuie sur trois principes fondamentaux – le "digital by default", le "once only" et la "transparence". Ces trois principes renvoient directement aux engagements du gouvernement. Le système de suivi, le etracking, par exemple, est d'ores et déjà en place et continuera à être appliqué à toutes les démarches pour lesquelles il fait sens. D'autres développements ont déjà été intégrés et d'autres encore sont en préparation, notamment une app MyGuichet.lu permettant à tout un chacun de faire des démarches directement via son smartphone.

Nous entendons donc aller aussi loin que possible dans la digitalisation des services publics, en gardant toujours à l'esprit l'intérêt des citoyens et des entreprises afin de réussir la transformation digitale du pays. Ceci étant dit, le ministère est également déterminé à faire de la digitalisation des services publics une chance pour tous et éviter à tout prix une fracture numérique de la société. Pour ce faire, les services publics devront continuer à mettre à disposition les différents documents et dossiers sous forme papier pour les personnes qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas prendre la voie digitale.

L'inclusion numérique étant donc, à côté du eGovernment, un des deux principaux chevaux de bataille du ministère de la Digitalisation, un groupe de travail interministériel est en train d'être formé afin de mettre sur pied un plan d'action national visant l'inclusion digitale de tous - sans distinction d'âge, de sexe, d'accès aux nouvelles technologies ou de connaissances en informatique - dans une société de plus en plus numérisée.

Paperjam: Comment améliorer concrètement le contrôle démocratique des élus par les citoyens?

Marc Hansen: La question est vaste et dépasse de loin les seules attributions du ministère. En tant que ministre délégué à la Digitalisation, je puis vous dire que, pour réussir la transformation numérique du pays, nous avons opté pour une approche résolument participative.

Ainsi, nous entendons identifier, de concert avec les acteurs représentant l'écosystème du Luxembourg, les opportunités et les risques liés à la digitalisation et faciliter ainsi de manière constructive, coordonnée et transversale la réalisation de la transformation digitale du Luxembourg, tout en prenant soin de mettre les besoins des citoyens et des entreprises au coeur des réflexions. Celles-ci seront menées au sein d'un Haut comité à la transformation digitale rassemblant des responsables de différents pans de la société, des acteurs du privé et du public.

D'autre part, nous misons également sur une approche dite "open innovation", ou "innovation collaborative". Basée sur le partage et la collaboration, la "open innovation" invite les citoyens à apporter leur pierre à l'édifice et ainsi participer activement au processus de transformation numérique.

Cette approche participative se traduira concrètement par des hackathons, des Gov-Jams - le premier a déjà eu lieu en octobre-, des ateliers participatifs ou bien par la mise en place de plates-formes de co-création. En nous appuyant sur la créativité des participants, nous espérons stimuler la capacité d'innovation du secteur public et proposer ainsi des solutions innovantes faites sur mesure pour répondre aux besoins des citoyens.

Un autre exemple de cette volonté d'ouverture et de transparence de la part du ministère est en préparation sous la forme d'un portail électronique permettant de dématérialiser les enquêtes publiques destinées à garantir l'information et la consultation des citoyens. Ce portail mettra à la disposition des ministères, des administrations et des communes, une plateforme permettant d'informer les citoyens de toutes les enquêtes en cours, qu'elles soient gérées au niveau étatique ou communal.

La transformation digitale du pays est en marche, et le gouvernement ne peut se permettre d'agir en vase clos car il en va de la transition numérique de toute la société, pour le bien de tous.

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